Going Freelance est l’exploration du travail de demain à travers six mois de rencontres dans le monde à la découverte des acteurs les plus avancés. Le projet est mené par deux étudiants en école de commerce et soutenu par plusieurs entreprises françaises, ITG en est le premier partenaire.

Going-Freelance

Si le nombre d’indépendants en France et partout ailleurs n’a de cesse d’augmenter depuis une dizaine d’années c’est notamment parce que l’envie de liberté se fait de plus en plus pressante. Nous l’avons ressenti dans nos échanges : certains étudiants tiennent pour évident que leur première activité sera en freelance, et ils y parviennent avec succès. Pour d’autres après des années en tant que salarié, un jour c’est le déclic et ils redécouvrent leur métier en exerçant en indépendant, tous sont guidés par la liberté qu’ils définissent différemment. Selon la dernière étude menée par la Fondation Travailler Autrement, 86% des indépendants interrogés déclarent que l’autonomie et la liberté sont la clé de voûte pour se réaliser et contourner les contraintes du salariat et de l’entreprise.

Nos rencontres viennent appuyer les chiffres de l’étude, tous les freelances que nous avons rencontrés nous ont confié ne jamais souhaiter à nouveau être salarié.

Un chiffre plus évocateur encore nous a été partagé par Stéphane Kasriel, le CEO d’Upwork. Chaque année la plateforme réalise une étude auprès des freelances : pour quelle somme d’argent seraient-ils prêts à redevenir salarié et arrêter totalement leur activité de freelance ? 51% d’entre eux ont répondu qu’aucun montant ne pourrait leur faire renoncer à leur activité de freelance.

 

De l’indépendance à la solitude :

Cette furieuse envie de liberté s’accompagne souvent d’une mauvaise perception du quotidien du freelance et après quelques mois d’activité la prise de conscience peut être difficile, un sentiment de solitude apparaît. Toujours selon l’étude de la Fondation Travailler Autrement, 49% des salariés portés pointent la solitude du travail et ce même constat revient lorsque nous interrogeons les freelances sur leurs principales difficultés au quotidien. Pour le professeur François Xavier de Vaujany, nous vivons une individualisation du travail qui ne concerne pas que les freelances, les salariés aussi vivent ces transformations qui transparaissent dans les chiffres du turnover en entreprises et dans la montée de l’intrapreneuriat.

Si l’individu prend une place de plus en plus importante, il a de nombreuses occasions de se rassembler, de s’organiser à plusieurs, d’échanger, de créer des collectifs et parfois même des communautés.

 

Les tiers-lieux :

Une des premières façons de lutter contre l’isolement est de se rendre dans un tiers-lieu, un espace de coworking par exemple. 40% de leurs membres sont des travailleurs indépendants et tous ont leur spécificité. Au-delà d’un simple espace de travail, les espaces de coworking sont des zones d’interactions avec des community builder dédiés à la construction d’une communauté entre les membres de l’espace. A San Francisco nous avions par exemple rencontré Omar qui gère l’espace Bespoke et connaît personnellement chaque membre. Son approche nous a plu, il nous explique que son rôle n’est pas uniquement de discuter avec les freelances mais de créer un environnement propice à la prise d’initiative communautaire. Il organise régulièrement des événements, crée des moments de rencontres informelles et permet aux membres d’organiser leurs propres événements.

A Chicago nous avons rencontré Levi, community builder de Secondshift. Les membres de l’espace de coworking ont leur photo accrochée sur le mur, accompagnée d’un texte les présentant et expliquant dans quel domaine ils peuvent aider les autres membres de la communauté.

D’autres initiatives permettent de favoriser les interactions. Plusieurs plateformes collaboratives de freelances ont mis en place des sessions de coworking par zones géographiques. Chez Toptal par exemple, une personne de l’entreprise voyage même à travers le monde pour aller à la rencontre des freelances du réseau et créer des rassemblements locaux.

 

Savoir s’entourer :

Dans un article LinkedIn, Nolwenn, freelance en UX/UI Design, que nous avons rencontrée à Paris, fait part de son sentiment de solitude malgré les nombreuses rencontres que lui offre sa vie de freelance. En cherchant des solutions elle s’organise et crée 3 rassemblements distincts qui ont tous été plébiscités par nombre de freelances :

– Rassemblement d’une dizaine de freelances à Nantes pour des sessions régulières de coworking. Rapidement elle a plus de demandes que le groupe ne peut accueillir de membres pour travailler sérieusement et se retrouve à coordonner plusieurs groupes d’une dizaine de freelances.

 

– Rassemblement d’UX designers à Nantes pour échanger sur les bonnes pratiques du métier.

 

– Freelance Travel : des retraites d’une semaine entre freelances dans un bel endroit en France, l’occasion de travailler dans un beau cadre avec une dizaine de professionnels, en un an elle a déjà organisé 4 séjours!

Si pour répondre à sa volonté de vaincre la solitude, Nolwenn a pu rapidement créer autant d’engouement pour ses projets, c’est que les freelances sont friands de ces rassemblements, peu importe la forme qu’ils prennent.

A New York nous avons rencontré Tia qui a fondé Freelancing Females, la plus grande communauté de femmes freelances au monde. Si au départ ce n’était qu’un simple groupe Facebook pour échanger de ses problèmes du quotidien avec quelques amies freelances, c’est devenu aujourd’hui son activité principale pour laquelle elle a levé des fonds et chaque jour 200 nouvelles femmes demandent à rejoindre la communauté.

 

Travailler au sein de collectifs :

Pour certains, ce n’est pas tant la solitude au quotidien qui est pesante mais la solitude dans le travail, le fait de travailler seul sur ses projets et l’absence d’équipe. Nous avons rencontré plusieurs freelances qui ont choisi de résoudre ce problème en faisant partie de collectifs qui travaillent ensemble sur des missions plus conséquentes. C’est le cas d’Alqemist, avec cinq années d’existence les douze membres du product studio ont collaboré sur une trentaine de projets et développent également leurs propres produits. Ils vivent aux quatre coins de la France mais travaillent sur des projets communs et se réunissent toutes les cinq à six semaines.

Enfin, les outils numériques s’étant développés ces dernières années, les regroupements physiques ne sont plus les seuls à aider les freelances à lutter contre la solitude et de nombreuses communautés sont présentes en ligne.

Les plateformes collaboratives et les différents services aux indépendants comme Shine ou Wemind ont bien saisi l’importance des communautés et se sont attachés à en construire de solides, à travers des groupes Facebook dont l’engagement est impressionnant ou des slacks très actifs et bien organisés avec des canaux en fonction des centres d’intérêts. Les freelances peuvent trouver des conseils d’autres freelances, des mentors ou tout simplement échanger sur leurs problèmes du quotidien et trouver des partenaires de travail.

 

D’autres freelances font le choix encore plus poussé de rejoindre des communautés comme Enspiral, créée par des néozélandais. Ils inventent de nouvelles façons de travailler et de s’organiser, fondées sur le partage tant de l’argent que du pouvoir de décision. Dans ce type d’organisation un défi de taille apparaît alors, trouver un équilibre fédérateur entre intérêt personnel et intérêt commun. Avec neuf années d’expériences, Enspiral semble avoir trouvé le juste milieu.