Pendant longtemps, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) a été perçue comme une contrainte réservée aux grandes structures : reporting, normes, obligations réglementaires, cases à cocher. Pourtant, une autre vision émerge aujourd’hui. Une vision plus humaine, plus stratégique, et surtout accessible… y compris aux indépendants.

Dans le podcast Les génies du bien, Océane reçoit Delphine Morandet, fondatrice de l’agence POSSIBLE, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises sur leurs stratégies RSE. Ensemble, elles déconstruisent les idées reçues et montrent comment l’impact peut devenir un véritable moteur de performance, d’attractivité et d’innovation. Un message qui résonne fortement pour celles et ceux qui entreprennent seuls.

La RSE : bien plus qu’une obligation réglementaire

La RSE ne se résume pas à un dossier de conformité ou à un exercice de communication. Elle repose sur une idée simple mais puissante : toute activité économique s’inscrit dans un écosystème aux ressources limitées, humaines comme environnementales. L’enjeu n’est donc pas seulement de “faire moins mal”, mais de repenser la manière de créer de la valeur.

Delphine Morandet insiste sur un point clé : la RSE est une fonction stratégique, pas un sujet annexe. Elle doit être pensée de manière holistique, en lien avec la vision, les pratiques et la gouvernance. Cette approche concerne aussi les indépendants, même s’ils n’ont ni service RH, ni direction RSE.

Pour un freelance ou un consultant, intégrer une démarche responsable, c’est questionner ses choix : clients accompagnés, méthodes de travail, impact environnemental, posture éthique, transmission de valeur. Autrement dit, c’est aligner son activité avec ce qui fait sens.

Un levier de performance… même en solo

Contrairement à une idée répandue, la RSE n’est pas un luxe ni un frein à la rentabilité. Les entreprises engagées sont plus performantes sur le long terme. Mais cette logique s’applique aussi à l’indépendance.

D’abord, en matière d’attractivité. Aujourd’hui, de plus en plus de clients, notamment les entreprises engagées, choisissent leurs prestataires en fonction de valeurs communes. Clarifier ses engagements permet de se différencier, de gagner en crédibilité et d’attirer des collaborations plus alignées.

Ensuite, en termes de fidélisation. Travailler avec des clients qui partagent votre vision limite les tensions, réduit la charge mentale et favorise des relations durables. Moins d’énergie dépensée à se justifier, plus de valeur créée.

Enfin, la RSE nourrit l’innovation. Elle pousse à inventer de nouvelles offres, à revisiter ses modèles, à sortir du court-termisme. Pour un indépendant, c’est souvent un puissant moteur de créativité et de renouvellement professionnel.

Une aventure avant tout humaine

L’un des enseignements forts de l’épisode est que la RSE est d’abord une aventure humaine. Ce n’est pas une question de budget, mais de temps, de clarté et d’organisation.

Pour les dirigeants d’entreprise, Delphine Morandet identifie plusieurs étapes clés : se rassurer, comprendre, informer, former, avancer par petites victoires. Cette logique est tout à fait transposable à l’indépendance.

Commencer par faire un état des lieux honnête de ce que l’on fait déjà. Beaucoup d’indépendants ont, sans le savoir, des pratiques responsables : choix de partenaires locaux, sobriété numérique, attention portée aux conditions de travail, transmission de compétences. Les identifier permet de sortir du syndrome de l’imposteur et de bâtir une démarche réaliste.

Ensuite, formaliser ses engagements. Pas pour communiquer à tout prix, mais pour se donner un cap. Écrire ce que l’on défend, ce que l’on refuse, et ce que l’on cherche à améliorer crée une boussole précieuse dans un quotidien souvent fragmenté.

Attention au greenwashing, même en solo

Communiquer avant d’avoir travaillé le fond, voici une mise en garde essentielle. Le greenwashing ne concerne pas que les grandes marques. Un indépendant peut aussi tomber dans une communication déconnectée de ses pratiques réelles.

La règle est simple : le fond avant la forme. Mieux vaut avancer progressivement, prouver que l’on sait faire mieux, plutôt que de viser une perfection illusoire. La logique des “petites victoires” est essentielle pour éviter l’épuisement et maintenir une dynamique durable.

Le durcissement réglementaire accélère la prise de conscience. « On parle notamment de la directive européenne CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui impose aux grandes entreprises de rendre compte de leurs impacts sociaux, environnementaux et sociétaux.

La majorité veut agir… sans savoir comment

Les chiffres cités par Delphine Morandet sont révélateurs : environ 70 % des dirigeants ont compris qu’il fallait s’engager dans la RSE, mais ne savent pas comment s’y prendre. Les indépendants ne font pas exception. Le manque de repères, la peur de mal faire ou de ne pas en faire assez freinent souvent le passage à l’action.

Pourtant, la RSE n’est pas un modèle unique à appliquer. C’est une trajectoire, adaptée à chaque activité, chaque réalité, chaque rythme. Pour un indépendant, c’est avant tout une opportunité : celle de reconnecter son business aux limites planétaires, tout en construisant une activité viable, alignée et inspirante.

Faire de la RSE un moteur stratégique, ce n’est pas cocher des cases. C’est transformer sa manière d’entreprendre. Et, peut-être, redonner du sens au mot “réussite”.