Comment être à la fois autonome et salarié quand le fondement du contrat de travail repose sur la réalité du lien de subordination ?

La culture française du travail est appuyée sur ce principe qu’on a longtemps considéré comme immuable : l’employeur apporte le travail et dispose des compétences des salariés. Pour illustrer ce propos, ne dit-on pas qu’une entreprise d’Intérim « met à disposition » des salariés ? On comprendra bien dès lors que ces deux éléments – l’apport de travail et la possibilité de disposer du salarié – étaient modifiés, que le contrat de travail ne pouvait plus exister aux yeux des juristes qui défendent la tradition du droit.

Ceux qui recherchent l’autonomie étaient jusqu’alors exclus du salariat

Les personnes qui ne répondaient pas à ces critères, les non-salariés, étaient alors invités à entrer dans un univers où ils étaient largement isolés et où le risque de précarisation les guettait à chaque pas. C’est notamment le cas d’un jeune autoentrepreneur qui m’expliquait très récemment  avoir conscience de la précarité de sa situation mais que les conditions économiques de son statut, lui permettaient de proposer des prestations moins chères pour ses clients. Il n’est malheureusement pas le seul à raisonner de la sorte aussi l’invitai-je à apprendre à mieux vendre son travail au lieu de considérer que sa difficulté commerciale devait être surmonté au prix de sa précarisation. Ainsi il pourrait revenir vers le salariat classique grâce au portage salarial.

Dans notre pays il est coutume de maudire les charges sociales et, de prendre en cela le relais de ceux qui nous expliquent que la compétitivité serait rétablie si chacun  acceptait les mêmes salaires que les pays vers lesquelles les entreprises délocalisent leur production. Il faut  bien avouer que la protection sociale des salariés français est de loin une des meilleures qui soit, ils y tiennent et en cela ils ont bien raison.

Les déficits des comptes sociaux, comblés pour l’essentiel par l’impôt, sont là pour en attester : on reçoit en moyenne plus que nos cotisations au travers des prestations qui nous sont délivrées. Les régimes privés ne peuvent bien entendu pas se permettre de calquer leur gestion sur le régime général car l’état ne prendrait pas en charge leur déficit ; ceci explique qu’il existe une différence notable sur le niveau des prestations entre indépendant et salarié même à cotisation égale.

Se proposer de trouver ses propres missions et petit à petit en vivre est une attitude courageuse. Pourquoi faudrait-il pour autant devoir créer une entreprise ou devenir indépendant et se mettre sur le dos tracasseries administratives, avances de trésorerie, risques juridiques, gestion, etc… N’est-ce pas suffisant de rechercher ses clients, de s’appliquer à réussir ses premières missions et de chercher à devenir meilleur dans son expertise ? En quoi faire des croches pieds à toutes ces personnes intelligentes et courageuses en les excluant du salariat servirait-il mieux le pays ?

Un combat difficile pour faire accepter le Portage Salarial

Malheureusement, lorsqu’on fouille la question on constate avec regrets que les hommes sont champions pour se tirer des balles dans le pied. Deux sources de résistances se sont employées à contrecarrer la possibilité d’être à la fois autonome et salarié : d’une part, les caciques d’un certain droit du travail pour qui accepter de dénouer une telle contradiction, même s’il n’était question que de la traiter par exception, mettait en péril la doctrine. Ne s’agissait-il pas plutôt pour eux d’allumer un incendie jusqu’à ce que la lumière des flammes leur permette de sortir de l’ombre. Il est parfois difficile de se faire reconnaître par son seul talent ; s’emparer d’un sujet qui fait débat peut constituer une stratégie. D’autre part, le Portage Salarial avait contre lui les héros de la création d’entreprise, ceux là qui prêchent la nécessité de se dépasser, entretenant ainsi un mythe qui se voudrait viril, inutile et même contre-productif. Détruire les mythes est toujours risqué, certains s’y accrochent de toutes leurs forces.

Pour ces raisons, je loue les courageux législateurs qui ont su dépasser ces enjeux mythologiques (et pourtant puissants) pour voter la loi qui consacre l’existence du Portage Salarial.

La sagesse des auteurs ne se limite pas là car, ils n’ont pas inséré dans le code du travail d’un texte fleuve qui définirait toutes les modalités d’exercice du Portage Salarial, au contraire, le texte est court, il se contente de décrire l’activité et de la caractériser. Il stipule par ailleurs que dans une limite de deux ans à compter du vote de la loi, les partenaires sociaux devront avoir négocié un accord de branche qui apportera les précisions nécessaires pour encadrer l’exercice de ce nouveau métier. C’est chose faite depuis le 24 mai 2013.

L’extension de l’accord sur le portage salarial permet aujourd’hui de faire de cet ensemble de textes un véritable outil pour se construire un avenir en tant que professionnel autonome. L’accord ouvre la porte à ceux qui veulent continuer à bénéficier des avantages du salariat tout en développant leur propre activité autonome. Mais le portage salarial ne se limite pas à encaisser des factures et émettre des salaires ainsi que nous le verrons au long des articles suivants, la formule  apporte de nombreux autres avantages du portage salarial essentiels pour réussir  et échapper à la plus part des embûches qui font échouer beaucoup trop d’entrepreneurs malheureux.

Série d’articles à propos de l’accord de branche sur le portage salarial

Dans notre prochain article, nous aborderons une question brûlante : le salaire. Quel salaire possible en Portage ? Quelles sont les charges à payer ? Que reste-t-il en net… Toutes questions pressantes auxquelles il m’importe de répondre en premier.

Voir aussi : Portage Salarial, un accord de branche qui change tout !

Roland BRECHOT