En 2024, les jeunes salariés français âgés de 18 à 30 ans ont été plus nombreux que leurs aînés à se voir prescrire un arrêt maladie. Une tendance qui ne reflète pas nécessairement une santé plus fragile, mais plutôt une transformation culturelle face à la santé mentale et physique au travail. Décryptage d’un phénomène qui bouleverse les habitudes professionnelles et les politiques de gestion des ressources humaines.
Une génération plus prompte à s’arrêter… mais pour moins longtemps
Selon le 9ᵉ baromètre de Malakoff Humanis en partenariat avec l’Ifop, 49 % des jeunes actifs de moins de 30 ans ont bénéficié d’un arrêt maladie en 2024, contre 42 % en moyenne pour l’ensemble des salariés, et seulement 26 % pour les plus de 60 ans. Cependant, ces arrêts sont en moyenne plus courts : 12 jours pour les jeunes contre 15 jours pour l’ensemble des salariés et 23 jours pour les plus de 50 ans.
Cette donnée semble illustrer une volonté de prise en charge précoce des problèmes de santé, avant qu’ils ne s’aggravent. La santé devient une priorité et les jeunes générations, marquées par la crise sanitaire du COVID-19, semblent avoir intégré l’idée que préserver sa santé n’est ni un signe de faiblesse ni une faute professionnelle.
Moins de tabous, plus de prévention
Contrairement à leurs aînés, les jeunes actifs ne perçoivent plus l’arrêt maladie comme un tabou. Près de 27 % d’entre eux ont directement demandé un arrêt à leur médecin, contre 20 % chez leurs collègues plus âgés. Cette évolution des mentalités traduit un changement profond dans le rapport au travail et à la santé.
Selon Anne-Sophie Godon-Rensonnet, directrice de l’accompagnement social et de la prévention chez Malakoff Humanis, cette tendance s’explique par une prise de conscience renforcée depuis la pandémie : « Les jeunes ont compris que la santé est un capital qu’il faut protéger. Ils ne vont pas plus mal, mais ils n’attendent plus d’aller très mal pour consulter et s’arrêter. »
Troubles psychologiques en forte progression
L’étude révèle une augmentation marquée des arrêts maladie pour motifs psychologiques chez les jeunes : 22 % en 2024, contre 16 % pour l’ensemble des salariés, et en hausse de 6 points depuis 2019. Ces troubles incluent le stress, l’anxiété, l’épuisement professionnel (burn-out) et les dépressions liées au travail.
Parmi les causes évoquées par les jeunes salariés : la forte pression au travail, la difficulté à équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, et des relations interpersonnelles parfois tendues dans le cadre professionnel. 66 % des moins de 30 ans estiment occuper un emploi stressant, un chiffre bien supérieur à la moyenne générale (54 %).
Le portage salarial, une alternative adaptée aux nouvelles attentes
Dans ce contexte où la recherche de bien-être prend une place centrale, le portage salarial émerge comme une solution particulièrement adaptée aux jeunes actifs. Ce dispositif, qui combine autonomie professionnelle et sécurité du statut salarié, séduit ceux qui souhaitent exercer une activité indépendante tout en bénéficiant de la couverture sociale, notamment en matière de santé et de prévoyance.
En cas de besoin, ils peuvent ainsi accéder à un arrêt maladie dans les mêmes conditions que les salariés classiques, tout en conservant une grande flexibilité dans la gestion de leur emploi du temps. Pour une génération qui valorise à la fois l’équilibre vie pro/vie perso et la liberté d’action, le portage salarial constitue un compromis attractif entre stabilité et indépendance.
Une santé perçue comme globalement meilleure
Malgré ces arrêts plus fréquents, les jeunes se déclarent en meilleure forme que la moyenne : 69 % d’entre eux estiment être en bonne santé, contre 64 % pour l’ensemble des salariés. Ce paradoxe apparent souligne l’importance accordée à la prévention et à l’écoute de soi.
Les jeunes générations semblent intégrer plus facilement l’idée que la santé mentale et physique est un levier de performance durable, et non un sujet secondaire dans la sphère professionnelle.
Des attentes claires envers les employeurs
Pour prévenir ces arrêts et répondre aux besoins spécifiques de cette génération, plusieurs pistes sont évoquées. Les jeunes interrogés souhaitent principalement :
- Une charge de travail allégée ;
- Une meilleure reconnaissance de leur travail ;
- Davantage de flexibilité (horaires, télétravail) ;
- Un accompagnement médical renforcé au sein de l’entreprise.
Loin d’un désengagement, ces revendications traduisent un attachement fort à leur travail : 81 % des jeunes actifs affirment chercher constamment à améliorer leur façon de travailler.
Vers un nouveau pacte social au travail ?
Les chiffres dévoilés par Malakoff Humanis mettent en lumière une mutation des comportements face à la santé en entreprise. Les jeunes salariés ne veulent plus sacrifier leur bien-être pour leur carrière et appellent de leurs vœux un monde du travail plus humain et équilibré.
Les entreprises ont tout intérêt à prendre acte de ce virage générationnel pour adapter leurs politiques RH : la santé des collaborateurs devient un facteur clé de fidélisation, de performance et d’attractivité.