Longtemps perçu comme le sommet d’une carrière professionnelle, le rôle de manager perd aujourd’hui de son attrait. En France, cette évolution des mentalités est particulièrement marquée. Une récente étude du groupe Cegos, spécialiste de la formation professionnelle, révèle que 40 % des entreprises françaises ont des difficultés à identifier des profils susceptibles de devenir managers. Cette réticence à accéder à des postes d’encadrement traduit une transformation profonde du rapport au travail et aux responsabilités.
Les raisons d’un désamour croissant pour les postes à responsabilité
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte où la verticalité du management traditionnel semble de moins en moins compatible avec les aspirations des nouvelles générations. Le modèle hiérarchique, encore très ancré dans les entreprises françaises, est perçu comme rigide, générateur de stress et peu épanouissant.
En France, plus de la moitié (56 %) des responsables RH constatent que les collaborateurs identifiés comme potentiels managers déclinent l’opportunité d’évoluer dans la hiérarchie. En comparaison avec les autres pays interrogés, où ce chiffre tombe à 36 %, cette spécificité française interroge. Le poids de la hiérarchie, l’absence de reconnaissance et la surcharge mentale sont souvent évoqués comme des freins majeurs.
Autre point d’alerte : les soft skills, c’est-à-dire les compétences comportementales, essentielles à tout bon manager, sont encore trop peu valorisées dans les cursus de formation. Les écoles de management continuent de mettre l’accent sur les savoirs techniques, au détriment de la dimension humaine et relationnelle pourtant indispensable pour encadrer des équipes.
Une fonction exigeante, mais encore convoitée par certains
Malgré ces obstacles, une majorité de primo-managers – ceux qui occupent un poste de management depuis moins de deux ans – déclarent s’épanouir dans leurs nouvelles fonctions. En France, 85 % d’entre eux affirment tirer de la satisfaction de leur rôle. Ces nouveaux managers ne sont pas nécessairement motivés par une volonté d’ascension hiérarchique. Ce qui les attire avant tout, selon l’étude, c’est la perspective d’une meilleure rémunération (38 %), le plaisir de résoudre des problèmes opérationnels (33 %) et le rôle de manager coach, proche et à l’écoute de ses équipes (30 %).
Ces données soulignent un décalage significatif entre la perception des RH – qui pensent encore que la promotion hiérarchique est la principale source de motivation – et la réalité du terrain. Dans un monde professionnel en mutation, la quête de sens et l’envie de contribuer positivement à la dynamique collective prennent souvent le pas sur l’ambition individuelle.
Une charge de travail en forte hausse et des conditions à revoir
Toutefois, cette prise de poste n’est pas sans conséquence. En France, 77 % des primo-managers signalent une hausse de leur temps de travail, et près de 20 % estiment avoir un mauvais équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Ces chiffres révèlent un véritable défi en matière de qualité de vie au travail.
Pour certains, cette pression accrue pousse à explorer des alternatives au salariat classique. Le portage salarial, par exemple, séduit de plus en plus de professionnels expérimentés qui souhaitent conserver leur autonomie tout en accédant à des missions de management de transition ou de pilotage d’équipe, sans les contraintes hiérarchiques permanentes. Ce dispositif hybride permet d’allier liberté entrepreneuriale et sécurité du salariat, et offre ainsi une réponse concrète à ceux qui veulent exercer des responsabilités sans subir la charge structurelle du management en entreprise.
La dimension humaine du management, pourtant essentielle, est souvent négligée faute de temps. Près d’un manager débutant sur deux déclare ne pas pouvoir investir pleinement cette facette de son rôle. Le sentiment de solitude, le manque de soutien de la hiérarchie, les difficultés intergénérationnelles ou encore la gestion hybride des équipes (présentiel et télétravail) s’ajoutent aux pressions quotidiennes.
Pire encore, 17 % des managers en début de carrière n’osent pas parler de ces problèmes à leur direction, créant un climat de frustration silencieuse.
Vers un management repensé : quelle voie pour demain ?
Ces constats poussent à repenser en profondeur le rôle du manager dans l’entreprise. Si le titre ne fait plus rêver comme avant, c’est sans doute parce que la fonction doit être réinventée. Plus que jamais, les entreprises doivent sortir du schéma traditionnel pour encourager un management collaboratif, horizontal et fondé sur la confiance.
Il devient essentiel d’investir davantage dans la formation aux soft skills, dans l’accompagnement des primo-managers et dans la reconnaissance de leurs efforts. Des dispositifs de mentorat, des temps d’échange et des outils adaptés peuvent permettre à ces néo-managers de ne pas se sentir isolés et de mieux appréhender les exigences de leur mission.
Manager, une vocation plus qu’un statut
Le management, loin d’être une simple promotion sociale, est aujourd’hui une fonction à part entière, exigeante, mais aussi pleine de sens pour ceux qui en saisissent les enjeux. Pour attirer et fidéliser les futurs managers, les entreprises devront offrir un cadre motivant, des perspectives de développement personnel, et surtout une culture managériale en phase avec les aspirations contemporaines. Car si le titre ne suffit plus à séduire, la possibilité d’avoir un impact positif, elle, demeure une source d’engagement authentique.