Avec le projet de Budget 2026 dévoilé par le Premier Ministre François Bayrou, une réforme risque de peser lourd sur une partie des retraités français. Au cœur de cette mesure : la suppression de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite, remplacé par un forfait de 2.000 euros. Derrière cette évolution en apparence technique, se cache un véritable changement fiscal. Qui seront les gagnants ? Qui devront mettre la main au portefeuille ? Décryptage.

Un forfait en lieu et place d’un abattement proportionnel

Actuellement, les pensions de retraite bénéficient d’un abattement fiscal de 10 %, plafonné à 4.400 euros par foyer fiscal. Cela signifie que l’impôt sur le revenu est calculé après avoir soustrait 10 % du total des pensions, ce qui allège significativement la note fiscale, en particulier pour les revenus confortables.

Dès 2026, ce mécanisme sera remplacé par un abattement forfaitaire unique de 2.000 euros par personne. Une réforme qui, selon le gouvernement, vise à simplifier le calcul de l’impôt tout en assurant une contribution plus équitable à l’effort budgétaire national.

Les retraités modestes peu ou pas concernés

Pour les retraités aux revenus très modestes, cette réforme aura peu d’impact. En effet, ceux dont les pensions sont inférieures à environ 18.970 euros (avant abattement) ne sont généralement pas imposables. Le nouvel abattement de 2.000 euros permettrait même à certains jeunes retraités de moins de 65 ans, dont les revenus sont proches de ce seuil, de voir leur imposition baisser légèrement – de quelques euros par an tout au plus.

Une mauvaise nouvelle pour les retraités seuls

Le véritable impact se fera sentir chez les retraités seuls, en particulier les veufs et veuves dont les pensions sont supérieures à 20.000 euros. Là où l’abattement de 10 % pouvait atteindre jusqu’à 3.000 euros pour une pension annuelle de 30.000 euros, le nouveau plafond de 2.000 euros entraînera une hausse mécanique du revenu imposable.

Prenons un exemple concret : un retraité seul avec 30.000 euros de pension voyait jusqu’à présent son revenu imposable réduit de 3.000 euros, pour un impôt annuel d’environ 1.365 euros. Avec le nouveau dispositif, l’abattement passe à 2.000 euros, et l’impôt grimpera à environ 1.525 euros. Une augmentation nette de 160 euros, qui peut atteindre plus de 1.000 euros pour les plus hauts revenus.

Les retraités de plus de 65 ans pénalisés

Contrairement aux jeunes retraités, les plus de 65 ans ne bénéficieront d’aucune compensation. Actuellement, ils peuvent prétendre à un second abattement spécifique s’ils sont proches du seuil d’imposition. Mais ce double abattement ne suffira pas à contrebalancer la perte du dispositif proportionnel pour ceux dont les revenus dépassent les 20.000 euros annuels.

Pire : avec la revalorisation prévue de 2,2 % des pensions de base en 2025, de nombreux retraités qui n’étaient jusqu’ici pas imposables franchiront le seuil d’imposition. Selon les calculs, ce seuil passerait de 18.970 à 19.070 euros, mais cette légère hausse ne compensera pas l’effet de la suppression de l’abattement proportionnel.

Les couples relativement épargnés

La réforme est moins sévère pour les couples. Bien que l’abattement maximal par foyer passe de 4.400 à 4.000 euros, l’impact fiscal reste limité. En moyenne, un couple ne verra son revenu imposable augmenter que de 400 euros. La hausse d’impôt qui en résulte ne dépassera pas 180 euros par an, sauf dans les cas de très hauts revenus (plus de 180.300 euros annuels).

Ce traitement différencié entre personnes seules et couples soulève toutefois des questions d’équité fiscale. Les veufs et veuves, déjà pénalisés depuis la suppression de la « demi-part » en 2014, se retrouvent une nouvelle fois en première ligne.

Une mesure budgétaire aux effets ciblés

En toile de fond de cette réforme, le gouvernement cherche à réaliser 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026 pour réduire le déficit public. Les retraités, en tant que catégorie économiquement stable, sont appelés à participer à l’effort national. Mais le choix de cibler spécifiquement les retraités seuls soulève une controverse. Pour de nombreux experts, cette mesure pourrait accentuer les inégalités au sein même des retraités.

Une réforme technique aux répercussions sociales

Sous couvert de simplification, le remplacement de l’abattement de 10 % par un forfait fixe modifie profondément la fiscalité des retraités. Si les effets seront marginaux pour certains, ils se révèleront douloureux pour d’autres – principalement les retraités seuls et ceux ayant des revenus situés juste au-dessus du seuil d’imposition. Ce changement, en apparence mineur, s’annonce donc comme l’un des pivots fiscaux du budget 2026. À surveiller de près dans les mois à venir.