Une enquête réalisée par l’Observatoire du Fait Religieux en Entreprise (OFRE) en 2015 montre qu’un quart des dirigeants sont confrontés à la problématique du fait religieux dans leur société. Cela a-t-il des répercussions sur la vie de l’entreprise ?

En l’immense majorité des cas, l’expression de la religion dans le monde du travail reste limitée à des demandes, de la part de salariés, d’aménagement de travail ou encore à des absences en raisons de fêtes religieuses. Ce n’est un sujet de conflit que dans moins de 10% des cas.

Hervé Baulme, Directeur Général d’Ecodair, a même été favorable à ce qu’un espace de prière, sur le lieu de travail, soit aménagé pour un de ses employés. Cependant cette souplesse n’est valable que pour le secteur privé et est soumise à une condition de discrétion.

L’affirmation du principe de la laïcité dans le secteur public

L’existence du principe de la laïcité est affirmée par le premier article de la Constitution de la Ve République. Ce principe repose sur le respect des convictions de chacun et la liberté de conscience et de culte.

Si l’affirmation du principe est claire, l’interprétation et la mise en œuvre le sont moins.

En effet, le secteur public est tenu de l’appliquer strictement afin de préserver la neutralité du Service Public : le port de signes ostentatoires est donc interdit.

L’affaire Babyloup, dans laquelle la Cour de cassation a considéré que le licenciement d’une salariée, qui travaille avec des enfants en bas âge, est justifié par le non respect du règlement intérieur prévoyant à raison une restriction à la liberté de manifester sa religion, illustre la difficulté d’application politique d’une règle pourtant limpide.

En l’espèce, bien que l’employeur soit un établissement privé, celui ci est chargé d’une mission de service public, il était donc soumis au principe de neutralité, contrairement aux établissements privés ne gérant pas un service public.

La tolérance de l’entreprise privée

S’agissant de l’accès à l’emploi,  les articles L. 5321-2 et L. 1132-1 du Code du travail interdisent toute discrimination à l’embauche (interdiction de sélection sur les convictions religieuses).

S’agissant de l’accomplissement du travail, le Code prohibe une interdiction générale et de la manifestation de la liberté de la religion du salarié dans l’entreprise.

Des limites à l’exercice de cette liberté sont toutefois envisageables si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. La pratique religieuse en entreprise est donc encadrée par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ainsi que les impératifs de santé et de sécurité au travail. Par exemple, la dissimulation du visage pour des motifs religieux, qui rend impossible l’identification de la personne, ne concerne pas le salarié travaillant dans une entreprise dont l’accès est réservé au personnel. Par ailleurs le prosélytisme et les actes de pression ou d’agression à l’égard d’autres salariés sont sanctionnés au titre de l’abus de droit.

Une question soulevée par le projet de loi El Khomri.

Le projet de loi du travail, actuellement dans les mains de la Commission aux Affaires Sociales, est venu brouiller les pistes. En effet, un point du premier article affirme que « la liberté du salarié de manifester ses convictions y compris religieuses, ne peut connaître de restriction que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». On pourrait y voir une synthèse de la jurisprudence et des normes éparses du Code du travail actuellement en vigueur, mais d’autres y dénoncent un risque d’encouragement du communautarisme, en s’orientant vers une approche plus inclusive en matière de laïcité, à la manière des anglo-saxons.

Quoiqu’il en soit, comme le souligne Lionel Honoré, directeur de l’OFRE, l’initiative du législateur de fixer des règles était déjà une avancée. Cependant à l’heure d’aujourd’hui, cette disposition a été supprimée le 5 avril dernier par la Commission aux Affaires Sociales.