Le paysage de l’assurance chômage en France connait des bouleversements réguliers depuis 2019. La réforme de 2024, annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal, s’inscrit dans cette logique de durcissement des conditions d’accès et d’indemnisation, avec des impacts potentiels importants pour les salariés portés. Quels changements concrets sont à prévoir et comment les salariés portés seront-ils affectés ?

Rétrospective des réformes antérieures

Avant d’analyser les impacts futurs, un rapide examen sur les réformes passées, en particulier celles de 2019-2021 et de 2023, permet de mieux appréhender le contexte.

Les réformes de 2019-2021 ont marqué un tournant dans la gestion de l’assurance chômage en France. Parmi les mesures phares figurent :

  • L’établissement d’une nouvelle méthode de calcul de l’allocation chômage : cette approche révisée, basée sur les gains des 12 derniers mois précédant le chômage, a pour objectif de mieux refléter la réalité du marché du travail et d’inciter à une reprise d’activité plus rapide.
  • L’allongement de la durée de cotisations requise : pour bénéficier d’une allocation chômage, il est désormais nécessaire d’avoir cotisé pendant au moins 6 mois au cours des 24 derniers mois (contre 4 mois auparavant).
  • La diminution progressive des allocations pour les chômeurs ayant perçu auparavant des revenus élevés
  • La mise en place d’un bonus-malus pour lutter contre les contrats courts: les entreprises qui abusent de ce type de contrat voient leurs cotisations patronales augmenter, et inversement.

L’année 2023 a été marquée par l’introduction d’un concept innovant : la contracyclicité. Inspirée des théories économiques, cette approche vise à moduler les règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique.

Assouplir les conditions d’accès à l’assurance chômage et allonger la durée d’indemnisation en période de récession ou de stagnation : la contracyclicité s’est traduite par une diminution de 25 % de la durée d’indemnisation pour la plupart des nouveaux demandeurs d’emploi depuis 2023.

Vers une réduction drastique de la durée d’indemnisation

La réforme envisagée pour 2024 suggère une réduction significative de la durée d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi âgés de moins de 53 ans. Cette proposition vise à abaisser le seuil à 12 mois, ce qui représente une diminution de 33 % par rapport à la période actuelle de 18 mois.

L’accès à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) pourrait également être conditionné à un nombre de jours travaillés plus important ou à une période de référence raccourcie.

Actuellement, il faut justifier d’une activité minimale de 130 jours travaillés (ou 910 heures) sur une période de référence de 24 mois (ou 36 mois pour les plus de 53 ans). Or, le gouvernement prévoit de cumuler ces deux options pour restreindre davantage l’accès à ce dispositif.

Par ailleurs, la réforme envisagée pourrait également proposer un relèvement de l’âge donnant accès aux conditions d’indemnisation plus avantageuses pour les travailleurs seniors, aujourd’hui fixé à 53 ans. Une telle mesure aurait pour effet de pénaliser les travailleurs plus âgés, qui sont souvent plus affectés par le chômage de longue durée.

Un calendrier incertain pour la mise en œuvre de la réforme

L’assurance chômage est traditionnellement pilotée par les partenaires sociaux, qui élaborent une nouvelle convention tous les deux ou trois ans. Celle-ci est ensuite soumise à l’aval du Premier ministre avant sa mise en œuvre.

Cependant, dans la pratique, le gouvernement semble exercer un contrôle accru sur ce processus. La convention signée le 28 novembre 2023 par les partenaires sociaux en est une illustration : l’exécutif a jugé les économies prévues insuffisantes et choisi de ne pas l’agréer et de proroger les règles en vigueur jusqu’au 30 juin 2024.

Les annonces du Premier ministre, Gabriel Attal, concernant une nouvelle réforme de l’assurance chômage, et leur accueil glacial par les organisations syndicales ne laissent guère de place à l’optimisme quant à la possibilité d’un accord négocié entre partenaires sociaux.

Il est donc probable que le gouvernement reprenne la main et impose les nouvelles règles par décret, comme il l’a déjà fait par le passé.

Des répercussions majeures sur les salariés portés

Les salariés portés, tout comme les salariés classiques, cotisent à l’assurance chômage et sont donc concernés par la réforme de 2024. Pour les salariés portés, un possible rallongement de la période d’activité, mais sur une période de référence réduite, est à envisager afin de bénéficier de l’ARE.

Il est également important de considérer l’incidence de cette réforme sur les individus qui envisagent de se lancer dans le portage salarial. En effet, la réduction de la durée d’indemnisation de cette allocation (actuellement de deux ans) pourrait limiter le temps disponible pour développer son activité, acquérir les compétences nécessaires et se constituer une clientèle.

Avec une durée d’indemnisation réduite de moitié, l’apprentissage et la mise en place de l’activité devront s’effectuer à un rythme beaucoup plus soutenu, ce qui pourrait s’avérer périlleux pour la pérennité de l’entreprise.