La Grande Sécu, un projet avantageux pour certains, pénalisant pour d’autres

Pour la réforme du système de santé français, quatre hypothèses ont été proposées par le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM). L’une d’entre elles, qui séduit tout particulièrement l’actuel ministre de la Santé, est celle de la « Grande Sécu ». Si ce scénario est déclaré financièrement favorable à 80 % de la population, il va fortement pénaliser les mutuelles.

Une extension importante du périmètre d’action de l’Assurance Maladie

Le principe du projet de Grande Sécu est d’élargir le champ d’intervention de la Sécu.

Elle prendrait intégralement en charge le ticket modérateur, y compris les soins dentaires, les audioprothèses et les équipements en optique du panier 100 % santé. Les objectifs :

  • minimiser les dépenses de santé des Français,
  • limiter le besoin d’une complémentaire santé.

L’Assurance santé verrait alors ses dépenses bondir à 22,4 milliards d’euros, dont 3,5 milliards d’euros issus de la taxe sur les assureurs. L’encadrement des prix serait néanmoins renforcé sur les tarifs libres et conventionnés en empêchant les dépassements d’honoraires prohibitifs.

  • D’une part, ceci garantirait l’accessibilité financière des soins pour tous.
  • D’autre part, le remboursement partiel de ces dépassements par l’Assurance maladie serait alors envisageable.

Un modèle avantageux pour la majorité des ménages

Selon les défenseurs du projet,

80 % des ménages y gagneront grâce à la redistribution des économies réalisées sur les frais de gestion des mutuelles, évalués à 5,4 milliards d’euros.

Avec ce modèle, le barème des cotisations serait progressif, en fonction des niveaux de revenus des foyers à partir du deuxième décile, sachant que les familles les moins aisées du premier décile bénéficient déjà de la complémentaire santé solidaire au reste à charge très faible.

Sont concernés, à des degrés divers, les salariés, les retraités, les demandeurs d’emploi et les indépendants. Pour ces derniers, la nécessité d’être couvert par une bonne complémentaire santé est d’ailleurs l’un des arguments en faveur du portage salarial France, dont la crise sanitaire a accéléré l’essor. En effet, le statut de salarié porté donne droit à une protection sociale complète :

  • assurance maladie,
  • mutuelle collective,
  • congés payés,
  • cotisations retraite,
  • indemnités chômage (sous conditions).

Pour les indépendants, cette forme d’emploi permet d’exercer en toute autonomie et avec un maximum de sécurité.

La Grande Sécu devrait en outre permettre une simplification administrative, notamment avec la généralisation du tiers payant (pas d’avance de frais pour les patients) puisque l’Assurance maladie gèrerait intégralement les remboursements.

Une menace pour l’avenir des organismes de complémentaire santé

En revanche, les organismes de complémentaire santé ont beaucoup à perdre dans cette diminution drastique de leurs attributions.

  • Car d’une part, ils perdraient la clientèle des 20 % de salariés actuellement couverts par la mutuelle souscrite par l’employeur.
  • D’autre part, ils subiraient la désaffiliation des 70 % de particuliers disposant d’une couverture individuelle.

Il en résulterait une baisse de 70 % de leur activité, ce qui correspond à un manque à gagner de 27 milliards d’euros.

Par ailleurs, une telle situation implique la suppression de 100 000 emplois directs et indirects. En effet, la reprise de leur activité par la Sécurité sociale entraînerait des coûts élevés pour le transfert des salariés. Dans le cas contraire, un plan social de très grande ampleur serait inévitable.

Un succès conditionné à la fin du monopole public pour certains experts

Cependant, pour certains experts, le succès de cette grande Sécu est conditionné à la levée du monopole public. L’État conserverait la responsabilité de la réglementation, mais tous les autres prestataires de soins, y compris l’Assurance Maladie, relèveraient du droit commercial. Sur ce marché ouvert à la concurrence, les entreprises innovantes sont les bienvenues.

Selon ces spécialistes,

Une réforme réussie de la Sécu pourrait contribuer au développement du secteur de la santé, au potentiel économique considérable grâce à la progression de sa technologie, qui jouit d’une solide renommée mondiale par son excellence

Il pourrait alors contribuer largement au redémarrage industriel du pays.