Cinq ans après son départ du ministère du Travail, Muriel Pénicaud revient avec un projet aussi original qu’audacieux : une bande dessinée, Travailler demain, coécrite avec le journaliste Mathieu Charrier et publiée chez Glénat. Ce récit hybride mêle fiction et analyses d’experts pour décrypter les bouleversements profonds du monde professionnel. De l’intelligence artificielle à la transition écologique, en passant par les aspirations des jeunes générations et la montée de la diversité intergénérationnelle, ce panorama dresse un tableau du futur du travail.

 

Un monde du travail en plein bouleversement

Selon Muriel Pénicaud, nous ne vivons pas une simple transformation, mais un véritable basculement. Les mutations s’accélèrent : technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, vieillissement démographique, redéfinition du rapport au travail, impératifs climatiques. « Cela amène un paysage nouveau avec 50 à 80 % des emplois qui vont manquer », alerte-t-elle. Il ne s’agit plus seulement d’adapter les compétences, mais de repenser en profondeur les logiques du travail.

 

Une jeunesse en quête de sens et d’équilibre

Dans Travailler demain, le lecteur suit Soraya, une lycéenne curieuse et lucide, dont le parcours illustre les aspirations d’une génération en quête de sens. Pour les jeunes d’aujourd’hui, le travail ne constitue plus la priorité absolue. Il partage le podium avec la famille, les loisirs, les amis. La question clé devient : « Mon travail a-t-il du sens ? » Ce rejet du « bullshit job » révèle une exigence nouvelle vis-à-vis du monde professionnel.

 

Du boss au coach : repenser le management

Ce changement d’attente se reflète aussi dans la relation au management. L’autorité verticale, descendante, n’est plus opérante. Les jeunes attendent des figures de soutien, des « coachs » plutôt que des « boss ». Muriel Pénicaud insiste sur l’urgence de cette transition managériale, qui nécessite une reformation en profondeur des pratiques et des mentalités. Un management basé sur la confiance, l’écoute et la co-construction devient la norme de demain.

 

Vers un travail intergénérationnel

Autre défi majeur : le vieillissement de la population active. D’ici 2030, un quart des actifs en France auront plus de 55 ans. Cela implique une nouvelle donne organisationnelle, avec des équipes où cohabitent quatre voire cinq générations. Loin des clichés, les seniors sont une ressource précieuse, à valoriser dans une logique d’apprentissage mutuel et de transmission. Pour Muriel Pénicaud, « on va tous se former en même temps, tout le temps, tout au long de la vie ».

 

Une révolution continue de la formation

L’obsolescence rapide des savoirs – désormais estimée à deux ans selon l’OCDE – impose une refonte du modèle éducatif. Il ne s’agira plus d’apprendre pour travailler, mais de fusionner apprentissage et activité. Cela suppose des dispositifs d’apprentissage flexibles, accessibles en continu, intégrés aux parcours professionnels. « La routine, ça n’existera plus », affirme Muriel Pénicaud. Une révolution silencieuse mais décisive.

 

L’intelligence artificielle, entre promesse et responsabilité

L’intelligence artificielle, en particulier générative, transforme déjà de nombreux métiers. Elle automatise des tâches répétitives, libérant du temps pour les dimensions humaines du travail : la créativité, la relation, l’empathie. L’exemple d’un hôpital de Montréal, où des robots assurent la logistique pour permettre aux soignants de se recentrer sur les patients, illustre cette complémentarité homme-machine souhaitable. Mais cette mutation nécessite une vigilance éthique : la technologie ne doit pas déshumaniser le travail.

 

L’avenir du travail est aussi féminin

Enfin, la parité est au cœur de la vision de Muriel Pénicaud. Dans la bande dessinée, sept des treize experts sont des femmes, reflet d’un engagement de longue date. Pour l’ancienne ministre, la mixité n’est pas un bonus mais une condition de performance : « Les entreprises plus paritaires sont plus innovantes, plus résilientes, plus performantes. » Elle appelle à une mobilisation collective pour redéfinir un modèle de travail plus juste, plus inclusif et plus épanouissant.

Avec Travailler demain, Muriel Pénicaud nous pousse à repenser notre rapport au travail à l’aune des mutations contemporaines. Ce récit, accessible et ambitieux, montre que loin d’être une fatalité, le changement peut être une formidable opportunité. À condition de replacer l’humain au centre, de bâtir un management de la confiance, et de favoriser l’apprentissage continu pour tous.