Une directive européenne va imposer aux entreprises la publication des salaires de tous les collaborateurs afin, notamment, de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Si cette mesure suscite des espoirs du côté des employés, les patrons sont, quant à eux, plus sceptiques.

Une directive européenne pour plus de transparence salariale

Une étape importante vers l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes a été franchie en juin 2023 avec l’adoption d’une directive européenne visant notamment à renforcer la transparence dans ce domaine.

Ainsi, les candidats devront être informés de la rémunération du poste dès l’entretien d’embauche, et les employeurs devront communiquer régulièrement sur les salaires en interne.

L’objectif est de promouvoir une meilleure compréhension des échelles applicables et de prévenir d’éventuelles disparités injustifiées.

La directive doit être transposée en droit national par les pays membres d’ici 2026. Elle s’inscrit dans un mouvement mondial, s’inspirant d’initiatives lancées par l’Islande, certains États américains et le Brésil. La transparence vise à responsabiliser les entreprises et à outiller les employés du privé pour lutter contre les écarts de rémunération. Leur action complète l’intervention de l’Exécutif, qui se limite à fixer un salaire minimum légal.

Efficacité limitée de l’index Pénicaud en France

La France dispose depuis 2019 de l’index Pénicaud mesurant l’égalité entre les femmes et les hommes dans les structures dont les effectifs dépassent 50 personnes. Sur la base de 4 ou 5 critères, celles-ci doivent évaluer les disparités sur les salaires et la carrière, et si le score obtenu est trop bas, mettre en œuvre les mesures correctives nécessaires, sous peine de sanctions.

Or, en cinq ans, le bilan se résume à 42 pénalités financières infligées, et un accès limité à 26 % des travailleurs du privé, en raison du faible taux de participation des entreprises (1 %). Enfin, la méthodologie de l’index est critiquée, car reposant sur la bonne volonté et l’auto-évaluation des employeurs, ce qui remet en cause sa fiabilité et son efficacité. Même le HCE, instance officielle chargée de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, a reconnu en mars 2024 les limites de l’index, jugeant qu’« il n’était pas à la hauteur des attentes ».

Malgré une loi de 1983 exigeant « une rémunération identique à travail égal », les femmes dans le secteur privé continuent de gagner près de 15 % de moins que les hommes, comme le révèle la dernière étude de l’INSEE en 2023. Cet écart est proche de la moyenne européenne de 12,7 % observée en 2021. Dans ce contexte, la publication des salaires permettrait aux employées de détecter d’éventuelles discriminations.

Pour percevoir des revenus plus confortables, à la hauteur de leurs compétences, de plus en plus de femmes se tournent vers le freelancing. Elles sont ainsi libres dans la gestion de leur temps et la détermination de leurs tarifs.

Une simulation de salaire en portage salarial est recommandée, pour mieux comprendre le fonctionnement de cette forme d’emploi.

Des craintes partagées par les salariés et les employeurs

Cette directive divise les salariés. Certains craignent qu’elle ne dissuade les employeurs d’accorder des augmentations afin d’éviter le mécontentement ou la jalousie entre les collaborateurs, ce qui se traduirait par une baisse globale des salaires. Des études appuient ces inquiétudes, ainsi dans une enquête intitulée « Equilibrium Effects of Pay Transparency » publiée en mai 2023,

Les économistes britanniques Zoë B. Cullen et Bobak Pakzad-Hurson ont estimé que la moyenne des salaires pourrait diminuer de 2 %.

Leurs conclusions reposent entre autres sur l’exemple d’États américains ayant déjà mis en place une législation sur la transparence salariale.

Outre la crainte de problèmes d’embauche, les employeurs se montrent réticents à l’idée d’une communication ouverte pour des raisons internes. Le sujet reste sensible, notamment pour les aînés. La connaissance des salaires des collègues pourrait générer des comparaisons et des tensions et limiter la marge de manœuvre des employeurs dans les négociations individuelles.

La directive européenne, tout en prônant l’égalité de rémunération pour un même travail,

Ouvre la porte à des disparités salariales justifiées par des critères objectifs, non sexistes et neutres et dépourvus de tout parti pris, tels que la performance et la compétence.

La question centrale réside donc dans la définition précise de ces « critères objectifs ».

Une mesure insuffisante pour une réelle égalité salariale

Au-delà de cette mesure, des actions concrètes visant à déconstruire les stéréotypes professionnels et à promouvoir l’égalité des chances s’imposent pour éliminer les écarts salariaux.

Les femmes doivent se défaire de l’autocensure, comme la tendance à moins négocier ou à postuler pour des postes de leaders.

Patronat et syndicats scrutent la manière dont le gouvernement français transposera la directive européenne, en particulier en ce qui concerne les sanctions prévues. En effet, le texte européen exige dans ce domaine un système « effectif, proportionné et dissuasif » pour garantir l’application des principes d’égalité de rémunération.