La semaine de 4 jours fait doucement mais sûrement son chemin dans le paysage professionnel français. Encore marginale, cette organisation du travail séduit de plus en plus de dirigeants et attire un intérêt croissant de la part des salariés. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une préparation minutieuse et une évaluation rigoureuse des enjeux humains et économiques.

 

Un dispositif en pleine expansion

L’intérêt pour la semaine de 4 jours ne cesse de croître. Selon le ministère du Travail, 459 accords d’entreprise signés en 2023 faisaient référence à ce dispositif, contre seulement 80 en 2020. Cette multiplication par cinq en trois ans illustre un changement d’état d’esprit significatif dans les sphères managériales. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : environ 10 000 salariés expérimentaient cette formule il y a deux ans, et ce nombre est en constante augmentation.

Ce basculement s’explique notamment par un certain essoufflement du télétravail comme sujet central. « Nous n’enregistrons plus tellement de demandes pour la mise en place du télétravail », constate Amandine Brugière, de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), soulignant que la semaine de 4 jours est désormais en tête des réflexions organisationnelles.

 

Des modalités variables selon les entreprises

Il n’existe pas une seule mais plusieurs façons de mettre en place la semaine de 4 jours. Christian Andréo, du Centre des Jeunes Dirigeants, précise qu’il y a « autant de formules que d’entreprises ». Toutefois, une majorité privilégie une version sans réduction du temps de travail : 35 heures sont simplement compressées sur 4 jours, ce qui impose des journées de travail plus longues – jusqu’à 8 h 45 par jour, voire 9 h 45 pour les entreprises aux 39 heures hebdomadaires. Cette formule conserve le même salaire et séduit pour sa simplicité administrative. Elle a été popularisée par Gabriel Attal, alors Premier ministre, qui a lancé une expérimentation dans la fonction publique au printemps 2024.

Une autre approche, plus ambitieuse mais encore minoritaire, consiste à réduire effectivement le temps de travail sans baisse de rémunération. Des entreprises comme LDLC à Lyon ou Welcome to the Jungle à Paris ont ainsi adopté la semaine de 32 heures, étalée sur quatre jours. Ces cas emblématiques attirent l’attention médiatique, mais ils restent l’exception.

 

Le portage salarial comme relais

Dans ce contexte de transformation, le portage salarial émerge comme un levier complémentaire de flexibilité. En permettant à un professionnel indépendant d’exercer son activité en conservant les avantages du statut salarié, le portage salarial répond aux besoins de souplesse des entreprises sans les contraindre à des embauches rigides. Il peut ainsi faciliter la transition vers de nouveaux modèles organisationnels, notamment dans les phases d’expérimentation.

Certaines entreprises choisissent d’avoir recours à des salariés portés pour compléter les compétences internes ou ajuster les charges de travail sur quatre jours, sans recourir à des recrutements traditionnels. Pour les freelances, c’est aussi l’opportunité d’adopter une organisation du temps plus souple, compatible avec une semaine de 4 jours ou une répartition personnalisée de leurs missions.

Les avantages de la semaine de 4 jours : attractivité et bien-être

Parmi les bénéfices évoqués par les entreprises ayant franchi le pas, figurent l’attractivité accrue auprès des talents, une meilleure rétention du personnel, la réduction de l’empreinte énergétique ou encore une amélioration du bien-être global des salariés. Une étude du Crédoc, publiée en avril 2024, révèle que la moitié des actifs aimeraient pouvoir bénéficier de ce dispositif.

Cette aspiration est d’autant plus forte que la semaine de 4 jours offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, et peut contribuer à réduire le stress chronique lié à la surcharge mentale.

 

Les risques : intensification du travail et fatigue

Cependant, cette organisation du temps de travail n’est pas exempte de risques. Isabelle Mercier, de la CFDT, alerte sur les « amplitudes horaires infernales » et la tendance à sous-estimer les impacts sur les risques psychosociaux et musculosquelettiques. Des journées de 10 heures, pauses incluses, peuvent peser lourdement sur la santé physique et mentale des salariés.

La vigilance est donc de mise, et les syndicats comme les experts en organisation du travail recommandent une approche progressive, avec une attention particulière à l’accompagnement managérial et à l’adaptation des outils de pilotage.

 

Expérimenter avant d’adopter

La mise en œuvre réussie de la semaine de 4 jours dépend de nombreux facteurs, à commencer par la stabilité économique et sociale de l’entreprise. Philippe Contassot, de l’Aract Occitanie, mentionne une expérimentation conduite auprès d’une douzaine de PME régionales entre 2023 et 2024 : seulement un tiers ont maintenu le dispositif à l’issue du test.

Pour Christian Andréo, le maître mot est la préparation : au moins trois mois pour planifier, six mois pour expérimenter, puis un temps d’analyse pour ajuster. Il met en garde contre les effets de mode : « Ce n’est pas une solution magique. »

Dans un contexte où l’équilibre entre efficacité économique et qualité de vie devient un critère clé d’attractivité, la semaine de 4 jours représente une avancée sociale majeure. Bien menée, elle peut être un formidable levier de motivation et de performance. Mal cadrée, elle risque d’épuiser les équipes et de fragiliser l’organisation.