En vigueur depuis fin 2021 après un long report dû à la crise sanitaire, la réforme de l’assurance-chômage instaurée en 2019 par le gouvernement Philippe continue de faire débat. Si le durcissement des conditions d’indemnisation a effectivement accéléré le retour à l’emploi, le constat est plus nuancé lorsqu’il s’agit d’emplois durables, en particulier pour les chômeurs les plus précaires.

Une réforme à double tranchant

Déployée progressivement entre 2019 et 2021, la réforme de l’assurance-chômage visait à modifier en profondeur les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Elle répondait à un double objectif : inciter plus rapidement les chômeurs à reprendre une activité et corriger certaines dérives liées à l’utilisation répétée de contrats courts.

Le rapport final du comité scientifique chargé d’évaluer les effets de cette réforme, rendu public en avril 2025, confirme que la baisse des allocations et le durcissement des critères d’éligibilité ont produit un effet accélérateur sur la reprise d’emploi. Toutefois, cette dynamique ne s’est pas traduite par une amélioration qualitative du retour à l’emploi, notamment pour les travailleurs précaires.

Un effet mécanique sur la reprise d’emploi

L’un des leviers majeurs de la réforme a été la modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR). En intégrant les jours non travaillés, le montant de l’allocation journalière a diminué de 18 % en moyenne. Par ailleurs, les conditions d’éligibilité ont été resserrées : il faut désormais avoir travaillé six mois sur les 24 derniers (contre huit sur 28 auparavant) pour prétendre à une indemnisation.

Ces mesures ont conduit à une baisse de la durée moyenne de chômage de 12 %, signe que les demandeurs d’emploi se sont remis plus vite au travail. Mais cette reprise s’est souvent opérée dans les mêmes conditions précaires qu’auparavant : contrats courts, intérim, CDD d’usage.

Une précarité persistante

Pour les publics les plus fragiles, la réforme n’a pas rempli ses promesses. Trois principales raisons sont avancées par le comité d’évaluation :

  • Une pression immédiate liée à la baisse des revenus : face à une indemnisation réduite, de nombreux chômeurs acceptent rapidement des emplois précaires pour subvenir à leurs besoins.
  • Un manque de clarté et de pédagogie : les nouvelles règles sont complexes et mal comprises, y compris par les conseillers de France Travail, ce qui nuit à leur efficacité.
  • Un contexte économique défavorable : dans certains secteurs, les contrats courts restent la norme. Lorsque s’ajoutent des contraintes personnelles (mobilité, garde d’enfants), les incitations financières sont peu efficaces.

En combinant la liberté de l’activité indépendante et la sécurité du statut salarié, le portage salarial permet à de nombreux actifs, notamment les cadres en transition, consultants ou experts métiers, de reprendre pied sur le marché du travail sans renoncer aux protections sociales. Il représente ainsi une voie médiane intéressante pour ceux qui souhaitent sortir de la précarité sans s’engager dans un schéma entrepreneurial risqué.

La dégressivité : une mesure plus ciblée et efficace

À l’opposé, la mise en place de la dégressivité des allocations pour les hauts revenus semble porter ses fruits. Appliquée aux demandeurs d’emploi de moins de 57 ans (55 ans depuis avril 2025) percevant plus de 4.900 € bruts mensuels, cette mesure réduit l’allocation de 30 % après six mois de chômage.

Résultat : ces bénéficiaires retrouvent un emploi en moyenne 20 à 45 jours plus tôt que les autres, sans que cela n’affecte la qualité de l’emploi obtenu. Le retour s’effectue majoritairement vers des CDI sans perte de salaire fixe, un indicateur clé du succès de la mesure.

Une réforme perfectible

Si la réforme a permis une certaine rationalisation du système d’indemnisation, elle révèle aussi ses limites. Elle a certes incité les chômeurs à reprendre plus rapidement une activité, mais sans corriger les déséquilibres structurels du marché du travail français.

Le président du comité d’évaluation, l’économiste Rafael Lalive, souligne le besoin de simplification et de transparence. « Il devrait être aussi facile de comprendre ses droits à l’assurance-chômage que pour la retraite avec un relevé de carrière », affirme-t-il.

La réforme de 2019 a permis d’atteindre certains objectifs de court terme, notamment en matière de reprise d’emploi rapide. Néanmoins, elle a échoué à favoriser l’insertion durable des travailleurs précaires, creusant les écarts entre les différentes catégories de demandeurs d’emploi. Les leçons tirées de cette évaluation finale devraient alimenter les futures négociations entre partenaires sociaux, qui ont tout juste retrouvé leurs prérogatives sur l’assurance-chômage depuis novembre 2024.