Aujourd’hui, le monde professionnel connaît une situation sans précédent : quatre générations se côtoient au sein des entreprises, avec parfois jusqu’à 45 ans d’écart entre deux collègues. Cette cohabitation, issue de la transition démographique et de l’allongement de la vie active, est une richesse inexploitée. Encore faut-il savoir dépasser les cases dans lesquelles nous enferment les stéréotypes générationnels.
Des étiquettes générationnelles réductrices et sans fondement scientifique
Les fameuses générations – baby-boomers, X, Y, Z – ont été popularisées par les marketeurs et certains médias, qui les utilisent comme des outils de segmentation. Selon ces typologies, les boomers seraient réfractaires au changement, la génération X serait désabusée, la génération Y ne vivrait que pour son équilibre de vie et son impact sociétal, tandis que la génération Z serait insaisissable, ultra-connectée, mais peu impliquée.
Mais peut-on réellement croire que des millions de personnes partagent les mêmes valeurs et comportements uniquement parce qu’elles sont nées dans une même période de 10 à 15 ans ? Cette logique s’apparente à un horoscope fondé sur la date de naissance. La science, quant à elle, est formelle : ces catégories ne reposent sur aucune preuve solide. Les études n’ont jamais démontré de différences significatives entre générations en matière d’engagement, de motivation ou de rapport au travail.
Des stéréotypes qui freinent l’inclusion et la performance
La catégorisation générationnelle produit des effets délétères. Elle nourrit des oppositions fictives entre les générations, installe une défiance réciproque et alimente les tensions au sein des équipes. À force de vouloir tout expliquer par l’âge, on en vient à ignorer les véritables sources de diversité : la personnalité, le parcours, l’origine, les compétences, les expériences de vie.
L’âgisme – ou discrimination fondée sur l’âge – en est une conséquence directe. C’est aujourd’hui la première forme de discrimination en entreprise, touchant à la fois les jeunes et les seniors. Les premiers sont jugés inexpérimentés, instables ou paresseux ; les seconds, dépassés, rigides ou peu adaptables. Ces préjugés bloquent l’accès à l’emploi, freinent l’évolution de carrière et privent les entreprises de talents.
Sortir des clichés pour construire une culture inclusive
Dépasser les étiquettes générationnelles, ce n’est pas simplement cocher une case de plus dans une stratégie RSE ou diversité. C’est engager une véritable transformation culturelle et managériale, fondée sur la reconnaissance des singularités et la valorisation des compétences.
Cela commence par un travail de fond :
- Analyser objectivement la situation interne, via les indicateurs RH, des baromètres de perception ou des groupes de discussion intergénérationnels.
- Sensibiliser les équipes aux stéréotypes liés à l’âge, en les aidant à prendre conscience de leurs biais inconscients.
Former les managers à un leadership intergénérationnel, qui reconnaît la complexité humaine au-delà des cases Gen X, Y ou Z, et qui cultive le care, l’écoute et le respect mutuel.
Revenir à l’essentiel : la compétence et la coopération
Dans un contexte où les transitions technologiques, écologiques et sociales s’accélèrent, les entreprises ont plus que jamais besoin d’équipes complémentaires et engagées. Cela implique de recruter sur la base des compétences réelles, et non d’idées reçues.
Croire que seuls les jeunes sont innovants, c’est passer à côté de seniors passionnés de technologies ou d’intelligence artificielle. Penser que les plus âgés sont plus fiables, c’est négliger les jeunes talents engagés et résilients. Refuser de considérer les profils hors de la tranche 30-45 ans, c’est se priver d’une diversité d’expériences qui constitue le cœur de l’intelligence collective.
C’est dans cette optique que le portage salarial prend tout son sens. En offrant un cadre souple et sécurisé, il permet aux seniors de prolonger leur activité professionnelle sans les contraintes entrepreneuriales, tout en facilitant l’entrée sur le marché du travail des jeunes générations qui souhaitent tester des projets en autonomie. Ce modèle hybride valorise les compétences plutôt que l’âge et encourage une collaboration intergénérationnelle basée sur la complémentarité des savoirs et des expériences.
Favoriser la coopération intergénérationnelle, c’est donc un choix stratégique. C’est faire le pari que la diversité des regards, des parcours et des sensibilités peut être un levier de performance durable, d’innovation et d’engagement.
Sortir des stéréotypes générationnels, c’est refuser les catégories toutes faites pour redonner à chacun sa juste place dans l’entreprise. C’est reconnaître que l’âge ne définit pas la valeur d’un individu, ni sa capacité à contribuer. C’est, enfin, miser sur une richesse humaine inestimable, qui ne demande qu’à s’exprimer pourvu qu’on lui en donne les moyens.