Les chiffres vont tous dans le même sens : les travailleurs indépendants ne cessent d’augmenter. Le salariat et son sacro saint CDI sont quant à eux en perte de vitesse constante. En France, le nombre d’indépendants a augmenté de 25 % depuis 2003 pour représenter aujourd’hui 11,5 % des travailleurs. Cette croissance est 10 fois plus élevée que celle du salariat. Les interprétations de ces chiffres sont très variées. Certains pensent que la mort du salariat va faire place à une société aux multiples petits entrepreneurs travaillant à la tâche. D’autres considèrent que la proportion du travail indépendant ne dépassera pas les 14 % à l’horizon de 2030. L’Observatoire Alptis de la protection sociale, un centre de recherche dédié aux travailleurs indépendants et petites entreprises, a mis en lumière plusieurs questions clés pour déterminer le futur du travail indépendant. En voici les principales idées.
Dans notre pays, le contrat à durée indéterminée est historiquement au centre du droit du travail. Très avantageux pour le salarié, notamment en terme de protection sociale, il est cependant considéré comme peu flexible.
Depuis quelques années, la France cherche à assouplir le marché de l’emploi en encourageant l’entrepreneuriat :
Ces mesures ont participé à l’essor du travail indépendant. Mais le droit du travail a été fondé pour le salariat, et s’adapte mal à la diversité actuelle des statuts et situations professionnelles. En conséquence, la tension s’accentue entre les textes et la réalité vécue par les indépendants au quotidien. Ils se retrouvent dans une insécurité juridique toujours plus profonde.
On peut relever 4 types de tension :
Selon certains spécialistes, le droit du travail et la sécurité sociale peuvent s’adapter aux changements observés du marché du travail sans grande réforme. C’est d’ailleurs la façon dont sont réglés les problèmes les uns après les autres jusqu’à maintenant.
D’autres pensent qu’il faudrait créer un statut intermédiaire réservé aux indépendants en situation de dépendance financière. Cela concerne principalement les personnes travaillant pour des plateformes et subissant un rapport de subordination évident (système de notation, sanctions, tarifs imposés, etc.).
Les analystes qui s’opposent à ce type de réforme considèrent qu’elle ne ferait que complexifier la situation en créant des frontières floues entre les statuts.
Enfin, certains experts considèrent que le droit du travail devrait s’assouplir considérablement et se lier non pas au statut du travailleur, mais à son activité professionnelle. Un socle de droits fondamentaux seraient mis à la disposition des tous les travailleurs, quel que soit leur statut : une protection sociale, des droits individuels et des droits collectifs. De plus, des protections supplémentaires seraient proposées aux personnes en fonction de leur degré de dépendance.
Cet alignement des régimes de protection sociale auraient au moins 2 impacts sur le travail indépendant :
Rappelons que le portage salarial constitue un pont entre le salariat et le statut d’indépendant. Il permet d’être autonome tout en bénéficiant des mêmes protections sociales qu’un salarié, assurance chômage comprise.
Le fonctionnement traditionnel des entreprises françaises est en pleine mutation. Profondément ancré dans les esprits, le mode “processus”, intimement lié au travail à la chaîne est en train de laisser doucement sa place au mode “projet”.
On peut observer plusieurs raisons à ce changement :
Le mode “projet” pourrait avoir deux conséquences majeures sur le marché du travail :
Travailler en mode “projet” pourrait ainsi amener à rassembler divers indépendants, formant un collectif éphémère. La structure de l’entreprise n’aurait pas nécessairement lieu d’être et en conséquence, les liens de subordination non plus.
Le statut des travailleurs est donc en pleine mutation. Viennent s’ajouter aux questions évoquées plus haut d’autres problématiques soulevées par les jeunes salariés arrivant sur le marché du travail : le bien-être, la peur du burn-out, l’autonomie dans leurs missions, le manque de reconnaissance ou encore la séparation entre vie privée et vie professionnelle. Toutes ces questions auxquelles peu trouvent de réponses font gonfler lentement mais sûrement les rangs de l’entrepreneuriat.