La série d’articles sur l’accord de branche, publiée sur ce site, a été écrite pour détailler le texte en explicitant ses aspects pratiques et les avantages qu’il procure aux personnes portées mais plus importantes encore sont les intentions qu’il désigne. En effet, comme nous le verrons dans cet article, il préfigure l’avenir d’une nouvelle manière de travailler qui ne se fera pas au détriment d’une autre ou au profit d’un démantèlement du droit au nom d’une compétitivité qui ne profiterait qu’à quelques uns.

Revenons à l’origine, c’est-à-dire, aux prémices de l’accord

L’accord de branche est né de la volonté conjuguée du principal syndicat de Portage Salarial (le SNEPS : Syndicat National du Portage Salarial) et des syndicats de salariés : la CFDT et la CFE-CGC rapidement rejoints par la CGT-cadres qui a coordonné la négociation qui s’est déroulée dans une exemplaire unité syndicale. Cette double entente est à souligner car elle n’est pas très fréquente et va contre toutes les idées reçues sur ce qu’il est possible de construire entre citoyens pour le mieux être de tous.

Outre le fait que, comme dans toute négociation il était nécessaire au préalable de faire taire les procès d’intensions et les préventions diverses que peuvent avoir la parties les unes contre les autres, il y avait de réels enjeux à préserver de part et d’autre. Mais ces enjeux ont très vite laissé la place à un intérêt plus global inspiré par l’intelligence collective qui alors se mettait en place. Le point de vue collectif peut se résumer ainsi : construire des solutions pour une société qui émerge et qui demain se saisira de ces moyens nouveaux pour participer au fondement d’une manière de travailler adaptée aux besoins du pays.

Bien que la négociation ait eu lieu avec le PRISME (syndicat patronal de l’Intérim) et que le SNEPS n’ait eu qu’une voie consultative, le texte négocié fut bien celui mis au point et discuté entre le SNEPS et les syndicats de salariés lors de négociations d’accords antérieurs (1).

Les enjeux : pourquoi cette convergence entre SNEPS et syndicats de salariés ?

Le premier facteur d’incitation à la négociation fut la loi de juin 2008 qui spécifiait : « III. – Par exception aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 2261-19 du code du travail et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l’activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d’organiser, après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et par accord de branche étendu, le portage salarial. »

Les partenaires sociaux avaient donc, deux ans pour trouver un accord faute de quoi, le gouvernement se laissait la possibilité de légiférer ou d’interdire tout bonnement cette forme de travail.

Pour les syndicats de salariés, il était utile d’encadrer, pour en limiter les effets sur le droit du travail, cette nouvelle forme d’emploi. Pour les dirigeants des entreprises de Portage il s’agissait de légaliser l’exercice  de ce métier nouveau pour espérer le pérenniser. Enfin pour les uns et les autres 30 000 emplois étaient enjeu qui, mêmes s’ils pouvaient se redéployer en partie sur des formules comme celle de l’autoentrepreneur ou du travailleur indépendant, s’orienteraient vers une plus grande précarité en matière de prestation sociale et passeraient, d’un environnement social structuré par des sociétés organisées, à la solitude.

Un chemin vertueux pas si aisé

Le marché du Portage Salarial est loin d’être uniforme et capable de parler d’une seule voix. En effet il s’agit d’un marché sans droit d’entrée : très peu d’investissements, une seule personne de son domicile peut gérer jusqu’à 50 consultants, les connaissances identifiées par les candidats sont essentiellement comptables, ce qui n’a pas manqué d’entraîner un afflux d’offres de services considérables puisqu’on compte aujourd’hui jusqu’à 350 entreprises de Portage Salarial.

Cette conception minimaliste du Portage Salarial qui porte essentiellement sur la transformation d’honoraires en salaire fait fi d’autres paramètres essentiels comme : la garantie financière des salaires, la qualité de l’assurance responsabilité civile professionnelle, l’obligation de payer les salaires à déclaration d’activité, l’accompagnement des candidats puis, des salariés ainsi que de la mise en place d’une véritable communauté de travail. Tous ces points constituant des conditions essentielles pour les syndicats de salariés et pour la réussite des portés.

Pour entrer sur un marché atomisé qui fait connaître son offre essentiellement par le web, ces entreprises on minimisé les prestations de manière à se positionner en « moins-disantes » quitte à vivre en marge du droit du travail. Seuls quelques pionniers avaient au sein du SNEPS décidé d’appliquer un ensemble de règles plus contraignantes en vue de construire une profession pérenne..

A l’origine, le Portage n’était pas réservé qu’aux seuls cadres

Par ailleurs les frontières de la profession n’étant pas fixées, le Portage a été utilisé (et le reste encore) pour  tout type de prestation et de prestataires qu’il s’agisse des traducteurs, des compagnons de chantiers, de négociateurs immobiliser, etc. Aujourd’hui, l’accord de branche affirme que le Portage doit être réservé aux cadres pour des prestations intellectuelles.